Kuvertine
Pendant longtemps on a cru comprendre kuvertine. Ce n’est qu'à la fin du projet que le mot a été reconnu par quelqu’un comme le mot güvercin, pigeon en turc.
Comme kuvertine a inspiré Milady Renoir à écrire ses fictions et à rédiger le texte “Je suis auteur (aussi)”, on préfère garder l’erreur comme en-tête.
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uitspraak
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voorbeeld
- Et les morceaux de CD qui sont par terre?
- Nous mettre CD ici parfois. Beaucoup d'oiseaux venir ici. Nous planter quelque chose, toujours manger.
- C'est quoi comme oiseau qui vient?
- Je ne sais pas.
- Des pigeons? Des merles?
- En turc, vous savez le mot?
- Kuvertine.
- Kuvertine? Et c'est un oiseau noir ou gris?
- Gris, noir aussi y'en a.
- Et il fait: rururuuu??
- Non?!! alors c'est un pigeon...
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uitleg
Ku-ver-tine, ça peut être exactement tout, ça peut être un nom de ville... J'ai commencé à faire une liste. Mais ce n'est pas le nom d'un oiseau. C'est le nom d'un oiseau qui vient manger des fruits dans le jardin. Est-ce que ça décrit l'oiseau, est-ce que ça décrit l'action, la situation? C'est quoi ce mot?
Je le vois visuellement. J'ai envie de le turlupiner, de le faire retourner dans ma tête. Après, il y a la description, la transcription de quelque chose, peut-être d'un souvenir aussi. Pour moi, c'était très fort, l'oiseau qui vient manger les fruits dans le jardin. C'est l'idée d'un récit de quelque chose qui n'est plus. Ça m'a vite amené une forme de nostalgie. Parce que j'habite en ville, parce que je suis née à la campagne, parce que je ne sais plus ce que c'est qu'un oiseau qui vient manger des fruits dans le jardin. Il y avait ce rapport-là, par exemple.
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uitleg
J'ai appelé ça la pré-fiction. C'est ce qu'on capte directement, ce qui nous rentre dans les tripes, dans l'âme ou peu importe. Par exemple, je vous dis kuvertine: il y a cette évocation directe, et puis après, il y a la transformation vers ce que j'appelle la fictionalisation où là on est dans la narration, dans une histoire où là c'est finalement moins l'évocation. Le mot devient un autre mot par rapport à ce que moi j'en fais.
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anders
"Oiseau. Qui est ta langue. Langue. Qui est ton bec. Bec. Qui est ton morceau de tête. Alouette. Qui est sur ta base des pattes. Pattes à pattes. Petites traces logogrammes dans une neige indolore. Tu as volé un fruit. Qui est ton droit. Droit. Tu l’as perdu, perdue. Tu as la tête haute. Oiseau. Tu as du rouge cassis qui déborde. Bec. Qui est ta langue pointue. Entends-tu tes petits piailler. Piaille de mal. Piaille de faim. Oiseau. Fruit défendu dans ton bec. À sec. Larcin malin. Petite pie qui vole, qui vole. Oiseau. Voles-tu ? Ton fruit n’était pas à toi. Il était à l’arbre. À l’oiseau qui y avait fait son nid. Ou au marchand de fruits. Ce fruit, rouge comme la honte. Oiseau. Langue pendue. Jus qui goutte. À goutte. Bout à bout, tu fais l’oiseau. Ailes, plumes, bec, surtout le bec. Sans le bec, que serais-tu oiseau? Malheur… Ectoplasme ? Reptilien ? Pire… une poule. Oiseau, ne pense pas. Prends ce fruit et emporte-le à tes petits. Nid. Nid de brindilles. Fragile comme l’œuf. Oiseau, ne sors pas ta langue, ne fais pas corbeau, ferme ton bec sur le fruit, qui coule. Fonce à tir d’… vers. Oiseau. Qui est ton aile. Qui a des ailes. Tu es comme l’oiseau… ça vit d’eau pure… non, pardon. Vole. Ton fruit mûr au creux de toi."
Milady Renoir – février 2012 - Mise en ondes par Daniel Martin-Borret.
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commentaar
Et comment est venue s'ajouter cette histoire de fiction ?
An : Parce qu'il y a des mots qui ont un sens dans une langue particulière. Kuvertine, ça vient du turc, par exemple. Mais pour moi qui ne sais pas le turc, kuvertine peut être un personnage d'un récit, ou une ville, ou une femme comme toi tu as dit. Beaucoup de ces mots ont une rythmique, une sonorité. Ce sont des êtres, des entités en soi. Un mot peut être une porte d'entrée vers une histoire, cette histoire peut être réelle ou fictionnelle. Et à quoi ça sert et pourquoi...Je voulais ouvrir la discussion sur la fiction ou l'outil de la fiction, le sens et comment ces mots font appel à ça.